Ou comment retrouver le pouvoir d’organiser de véritables moments de partage…

Les nouvelles recrues d’un cabinet d’architectes vivent leur première réunion d’équipe comme « gênante » et « isolante ». Une femme passe la majeure partie de sa baby shower à souhaiter que son partenaire soit présent pour entendre les paroles pleines de sagesse de ses proches. Une équipe média se réunit pour célébrer la sortie d’un film sur lequel ils ont tous travaillé dur, mais sans toasts ni moment de reconnaissance, certains partent en se demandant s’ils ont compté pour le producteur et hôte de la soirée (ce qui est bien sûr le cas).

Pourquoi certains moment de rassemblement « prennent-ils » et d’autres pas ? Quelle est la différence entre un événement auquel les gens sont reconnaissants d’avoir participé et un événement qui vous fait penser : « J’ai fait tout ce chemin pour ça » ?

Rassembler avec art ça se pratique. Et pour s’améliorer, il faut être inlassablement curieu·se de savoir quand et pourquoi les choses se passent bien ; mais plus encore, quand et pourquoi elles ne se passent pas bien.

À l’aube de l’automne, j’ai voulu partager avec vous les trois erreurs les plus courantes que nous commettons (moi y compris) lorsqu’on se réunit. Et ce qu’il faudrait faire à la place.

Erreur n° 1 : faire plaisir avant de faire sens.

J’entends : « Qui suis-je pour dire « non » à mes invité·es ? Je ne veux pas passer pour quelqu’un de peu généreu·se. »

Il y a quelques années, j’ai organisé un Friendsgiving. À la dernière minute, l’un des invités m’a envoyé un texto pour me dire qu’il serait en retard au dîner et aussi pouvait-il amener sa mère ? En essayant d’être gentille (c’était sa mère !), je n’ai pas posé de questions complémentaires. Je n’ai pas demandé jusqu’à quelle heure. Je n’ai pas pensé à lui demander s’il se joindrait à nous pour le repas. Il est arrivé à la fin du dîner, alors que le groupe était en pleine conversation. L’introduction de deux personnes supplémentaires a perturbé la dynamique qui s’était lentement mais sûrement formée pendant deux heures. Sa mère n’a pas compris pourquoi elle était là (apparamment, ils arrivaient d’un autre dîner). En essayant d’être gentille, je n’ai protégé ni mon ami, ni la soirée.

Si seulement j’avais dit : « C’est une soirée particulière. Je serais ravie d’accueillir ta mère si vous pouvez venir pour toute la soirée. Mais je comprends tout à fait que ce ne soit pas possible. Sans rancune. Si ce n’est pas possible cette fois-ci, on fait un truc bientôt ! ».

Solution : Pratiquer une autorité généreuse pour le bien du groupe, y compris à l’avance.

Erreur n°2 : Se dire que plus on est de fous, plus on rit.

J’entends : « Bien sûr qu’on invite untel ou unetelle. »

Un groupe d’entrepreneur·es souhaite organiser une « soirée réseau ». Sans trop y réfléchir, ils/elles envoient l’invitation à un grand nombre de personnes : collègues, clients, amis qui s’intéressent à leur secteur d’activité. Le soir de l’événement, des dizaines de personnes se présentent, mais la salle est en quelque sorte un fourre-tout. Il s’avère que certain·es des invité·es sont des concurrents et se sentent un peu pris·es au dépourvu. D’autres ne connaissent pas les hôtes (ou quiconque) et sirotent un verre de vin dans un coin. Certain·es invité·es se connaissent manifestement depuis des années et passent toute la soirée à rattraper le temps perdu. La soirée n’a pas l’éclat que les hôtes·ses espéraient.

Solution : Faire de « l’objectif » son videur. Et le faire proprement.

Erreur n° 3 : Laisser les invité·es se débrouiller seul·es.

J’entends : « Je ne veux pas m’imposer aux invité·es. Laissons la fête se dérouler d’elle-même ! »

Un de mes proches s’est récemment envolé pour le Japon à l’occasion de sa 30ème réunion d’anciens élèves. D’autres ancien·nes élèves et ses ami·es s’y rendaient et lui avaient vendu du rêve. Après un moment de réflexion, s’est dit « Allez, on ne vit qu’une fois,  je vais faire le voyage ». Plus de 60 ancien·nes élèves venus de plusieurs pays ont pris l’avion, mais à leur arrivée, tout le monde était un peu… éparpillé. Les organisateurs avaient concentré leurs efforts sur le recrutement et avaient supposé que le groupe se figerait à l’arrivée. Mon proche avait imaginé des soirées d’histoires partagées, de réflexions, de chants et peut-être même de foot ! Mais tout le monde s’est un peu débrouillé tout seul. Il est rentré chez lui déçu, et avec l’impression que chacun·e d’entre eux/elles avait raté quelque chose.

Solution : Trouver le bon équilibre entre structure et liberté pour qu’un groupe prenne son envol.

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Ne vous inquiétez pas si ça vous dépasse un peu. Il m’arrive encore régulièrement de faire des erreurs. Mais je suis toujours curieuse de savoir ce qui fonctionne et pourquoi. Si vous avez l’impression que ça fait beaucoup, commencez par observer. La prochaine fois que vous assisterez à un rassemblement de personnes qui fonctionne, demandez-vous pourquoi ça fonctionne. Qu’est-ce qui, précisément, fait que les choses on l’air de se dérouler naturellement ? Et commencez à développer votre talent d’organisateur ou organisatrice en étant un·e très bon·ne invité·e.

Au cours des prochains mois, alors que, pour beaucoup, on commence à penser aux fêtes de fin d’année, je proposerai probablement d’autres réflexions sur ce que ça signifie réellement de donner un sens à un événement.

Comment passer le focus du matériel à l’humain ?

Crédit Photo : Wonderlane