Vous avez quelque chose à faire. Vous voulez vraiment y arriver. Et pourtant, pour une raison ou une autre, vous n’arrivez pas à vous empêcher de vous mettre des bâtons dans les roues.
C’est tout à fait normal. Et il s’avère que ça provient souvent de quelques leviers essentiels du fonctionnement de l’être humain. Si vous avez l’impression de vous auto-saboter, posez-vous les trois questions suivantes. Elles vous aideront à faire la lumière sur ce qui se passe et vous donneront une idée claire de ce que vous devez faire pour remettre les choses sur les rails.
Voici trois questions à se poser pour sortir de l’ornière :
Question 1 : Ai-je les ressources nécessaires ?
Souvent, ce qui ressemble à de l’auto-sabotage est en fait un acte d’auto-soin de la part de votre corps et de votre esprit. Il se peut que vous n’ayez tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire ce que vous essayez de faire. Bien que vous puissiez repousser vos limites un certain temps, votre esprit et votre corps finiront par freiner des quatre fers et vous obligeront à arrêter ce que vous êtes en train de faire et à refaire le plein ; ce qui peut ressembler fort à de l’auto-sabotage.
« Si une personne ne peut pas se lever de son lit, c’est qu’il y a quelque chose qui l’épuise. Si un étudiant n’arrive pas à rédiger ses devoirs, c’est qu’il y a un aspect du travail qu’il ne peut pas faire sans aide.
Si une employée manque constamment ses échéances, c’est que quelque chose rend l’organisation et le respect des délais difficiles. Même si une personne choisit activement de s’auto-saboter, il y a une raison à cela ; une peur qu’elle cherche à surmonter, un besoin qui n’est pas satisfait, un manque d’estime de soi qui s’exprime« . (La paresse n’existe pas)
Si vous avez du mal à vous en sortir, c’est peut-être parce que votre batterie est épuisée ou parce que vous essayez de réaliser quelque chose à un moment de la journée ou dans une séquence d’événements où les bonnes ressources ne sont tout simplement pas à votre disposition.
Par exemple, si vous essayez de prendre l’habitude de méditer le matin, mais que vous n’êtes pas du matin et que vous devez emmener les enfants à l’école, cette habitude sera beaucoup plus difficile à prendre que si vous travaillez avec vous-même plutôt que contre vous-même et que vous essayez de méditer, par exemple, l’après-midi, lorsque les choses sont plus calmes.
« Quand on entend dire que le changement est difficile parce que les gens sont paresseux ou résistants, c’est tout simplement faux. En fait, c’est le contraire qui est vrai : le changement est difficile parce que les gens s’épuisent. Et c’est là la deuxième surprise du changement : ce qui ressemble à de la paresse est souvent de l’épuisement« . (Switch : How to Change Things When Change Is Hard).
De même, les événements de « grande bande passante » peuvent avoir un impact sur toutes sortes d’autres choses dans votre vie. Si vous traversez des changements majeurs dans votre vie, si vous êtes en deuil, si vous subissez beaucoup de stress ou si vous devez prendre beaucoup de décisions en permanence, il est évident que vous finirez par vous auto-saboter. Vous n’avez tout simplement pas les ressources nécessaires pour faire autrement.
Comment évaluer le niveau de vos ressources ? Il existe de nombreux modèles que vous pouvez utiliser : le modèle des cuillères est un modèle populaire qui a vu le jour dans la communauté des malades chroniques et qui s’étend de plus en plus mais j’y pense en termes de catégories de vie.
« Pensez à votre vie comme à trois seaux. Le premier s’appelle Vitalité et concerne l’état de votre corps et de votre esprit. Le deuxième est celui de la connexion, qui concerne les relations. Le troisième, la contribution, concerne la façon dont vous contribuez au monde. Plus vos seaux sont pleins, meilleure est votre vie… si un seul seau se vide, vous ressentez de la douleur. Si deux d’entre eux sont vides, c’est un monde de souffrance qui vous attend. Si les trois se vident, vous n’avez pas de vie. Au sens figuré et, en peu de temps, au sens propre« . (How to live a good life).
Le problème, c’est que les seaux fuient et qu’il faut donc les remplir constamment. De plus, le seau le plus bas entraîne les deux autres dans sa chute. Par exemple, si vous essayez de faire un travail extraordinaire (catégorie Contribution) mais que vous ne mangez pas régulièrement ou ne dormez pas bien (catégorie Vitalité), vous êtes voué·e à l’échec. Si vous avez régulièrement du mal à faire quelque chose que vous savez que vous devriez pouvoir faire, vérifiez vos seaux : il se peut que vous ayez un problème de seau au plus bas, et lorsque vous aurez réglé ce problème, vous serez capable de faire cette première chose sans problème.
Question 2 : Est-ce que je le veux et est-ce que j’y crois vraiment ?
Notre cerveau est très puissant, ce qui est fantastique… lorsqu’il travaille dans la direction que l’on souhaite. Le fait est qu’il est également câblé pour l’efficacité de l’action et la survie. À cette fin, l’amygdale (qui traite les émotions, les peurs, etc.) va en fait « détourner » le cortex préfrontal de votre cerveau (qui traite la pensée critique, la prise de décision, etc.) Le chercheur Jonathan Haidt compare ces deux parties du cerveau à un Éléphant et un Cavalier.
« La sagesse conventionnelle en psychologie veut que le cerveau ait deux systèmes indépendants en action à tout moment. Tout d’abord, il y a ce que nous appelons le côté émotionnel. C’est la partie du cerveau qui est instinctive, qui ressent la douleur et le plaisir. Deuxièmement, il y a le côté rationnel, également connu sous le nom de système reflectif ou conscient. C’est la partie de vous qui délibère, analyse et envisage l’avenir« . (Changement : Comment changer les choses quand le changement est difficile)
C’est là qu’intervient l’auto-sabotage : si vous travaillez à la réalisation d’un objectif auquel vous ne croyez pas ou avec lequel vous n’êtes pas vraiment en phase, votre cerveau va le considérer comme une cause perdue, une perte d’énergie, une inefficacité. C’est ainsi que l’Éléphant va détourner les choses, entraînant le Cavalier loin de la direction que vous vouliez prendre. Et (le cerveau est un animal sournois) parce que le Cavalier sait qu’il ne peut pas dominer l’Éléphant, une fois que l’Éléphant a pris une décision, le Cavalier se convainc que c’est ce qu’il voulait de toute façon.
« Notre côté émotionnel est un Éléphant et notre côté rationnel est son Cavalier. Perché au sommet de l’Éléphant, le Cavalier tient les rênes et semble être le chef. Mais le contrôle du Cavalier est précaire parce qu’il est si petit par rapport à l’Éléphant. Chaque fois que l’Éléphant de six tonnes et le Cavalier ne sont pas d’accord sur la direction à prendre, le Cavalier perd. Il est complètement dépassé« . (Changement : Comment changer les choses quand le changement est difficile)
Si vous vous apercevez que vous n’atteignez pas régulièrement un objectif ou que vous laissez tomber une routine, demandez-vous si (1) vous le voulez vraiment et (2) si vous croyez que c’est vraiment possible. Si la réponse à l’une ou l’autre de ces questions est négative, c’est que vous êtes en train de perdre la partie avec votre Éléphant.
Question 3 : De quoi ai-je peur ?
L’autoprotection est une autre raison fréquente de l’autosabotage. Bien qu’il soit particulièrement frustrant de se mettre constamment en travers du chemin de ce que l’on veut, ça provient d’une bonne intention.
« L’autosabotage ou l’auto-handicap est une stratégie cognitive employée par les individus pour se protéger ; elle vise principalement à préserver l’estime et l’image de soi. » Psychologie
Vous vous souvenez de l’histoire de l’Éléphant ? Votre amygdale est finement réglée pour prévenir la douleur, et la douleur psychologique ou émotionnelle s’enregistre de la même manière que la douleur physique. S’il y a la moindre chance que vous soyez blessé·e, l’amygdale va intervenir et essayer de vous éloigner le plus possible de cet événement potentiellement dangereux.
L’avantage, c’est que tant que vous n’êtes pas en train de vous effondrer au milieu d’une crise d’Éléphant (c’est-à-dire que vous n’êtes pas dans une cascade d’adrénaline ou quelque chose de similaire), vous pouvez faire beaucoup pour apaiser vos peurs simplement en les écrivant. Lorsque vous les voyez à l’extérieur de vous-même (c’est ce qu’on appelle la cognition incarnée) vous êtes mieux à même de les prévoir et d’y réagir à partir de l’espace du Cavalier, ce qui vous donne plus de contrôle sur la direction que vous prenez.
La seule chose à ne surtout pas faire si vous voulez vous en sortir ? Avoir honte.
C’est tentant de se laisser aller à la honte et au blâme si l’on s’auto-sabote. Après tout, personne ne vous oblige à agir ainsi, c’est un jeu intérieur. De plus, on nous apprend souvent à être très dur·es envers nous-mêmes lorsqu’on n’accomplit pas ce qu’on avait prévu de faire. Mais la vérité, c’est que la honte ne fonctionne pas.
Brene Brown, qui a fait beaucoup de recherche et un super TedTalk sur la honte, explique :
« La honte est une focalisation sur soi, la culpabilité est une focalisation sur le comportement. La honte, c’est « je suis mauvais·e ». La culpabilité, c’est « j’ai fait quelque chose de mal ». Combien d’entre vous, s’ils ont fait quelque chose de blessant pour moi, seraient prêts à dire : « Je suis désolé·e. J’ai fait une erreur. » Combien d’entre vous seraient prêt·es à dire ça ? La culpabilité : Je suis désolé·e. J’ai fait une erreur. Honte : Je suis désolé·e. Je suis une erreur« .
En fait, la honte a tendance à avoir l’effet inverse et peut vous entraîner dans une spirale destructrice où quelque chose ne fonctionne pas, où vous vous culpabilisez, où vous obtenez peut-être de meilleurs résultats à court terme, mais où vous échouez à nouveau à long terme… ou bien où vous abandonnez, tout simplement.
Récapitulons :
Il nous arrive à tous et toutes de nous auto-saboter. C’est tout à fait normal, et c’est souvent dû à quelques principes élémentaires sur le fonctionnement de l’être humain. Si vous avez du mal à vous sortir de votre propre situation, posez-vous la question suivante :
- Ai-je les ressources nécessaires pour le faire ?
- Est-ce que je le veux et est-ce que j’y crois vraiment ?
- De quoi ai-je peur ?
Plus important encore : n’ayez pas honte. C’est absolument inutile et même contre-productif.
Pour la plupart d’entre nous, arrêter de s’auto-saboter est le travail de toute une vie ; et ce genre de choses se passe toujours mieux quand on est accompagné·es.
Abonne-toi à ma newsletter mensuelle pour approfondir sur des sujets comme celui-ci.
Crédit Photo : Priscilla Du Preez 🇨🇦